chute mortelle amortie (ouf que j’avais des ailes)
à ton écorce claire je veux encore égratigner mes joues.
Te palper de mes paumes tendues, t’enserrer de mes bras nus.
Beau charme, c’était mon jeu d’enfant de me hisser sur ta tête et d’épancher sur toi mon bonheur d’être cachée, invisible, Princesse d’une forêt dont tu étais le Roi.
A présent je suis vieillie et toi tu portes toujours plus haut ta liberté tranquille ; et je reste à ton pied que j’étreins et que je serre pour que suintent sur ton flanc les secrets que je t’avais dit jadis.
Je voudrais sans te blesser dissoudre cette opacité blanche et rouge et me couler en toi,et mêler mon essence à ta sève pour revivre un peu des instants où nous dormions l’un à l’autre enlacés.
Je sais maintenant à quel point je t’aime : c’est que j’ai tant besoin de toi, conjurateur de mon effroi.
Beau charme, tu es l’arbre qui cache la forêt à mes yeux épouvantés. Car ton royaume d’antan m’est devenu hostile et marche sur moi... Collets de fil de fer coupant, pièges aux dents d’acier qui mordent jusqu’à l’os, fosses sournoises, profondes comme des oubliettes, à peine camouflées de quelques traîtres branchages.
Au temps où tu étais mon refuge je riais de voir entre tes feuilles ces oracles ricanants qui se tordaient avec les flammes et s’effilochaient en fumées ocres sous le scintillement de la lune. Ces guerriers aux épées incandescentes ne me voulaient pas tuer, ils dansaient joyeusement un ballet permanent, respectueux et chevaleresques, jusqu’aux lisières de la nuit. Des loups soyeux et blancs performaient en meute sauvage leur miraculeux périple.
Et maintenant j’ai peur de faire un pas de plus et je te prie de me reprendre, je voudrais n’avoir jamais quitté tes tentacules de bois qui se ramifiaient tout autour de moi comme un cocon, comme une cachette, comme un berceau, comme un inaltérable bouclier de tendresse.
(inachevé)
Une nouvelle inachevée. Si seulement j’avais pu faire l’amour avec cet arbre, j’aurais su comment en faire un vrai roman qui va jusqu’à sa dernière ligne. J’aurais même su trouver un vrai titre. “Il était une fois l’abolition des privilèges”, ça le fait ?