certificat de conformité obtenu le dimanche 06 juillet 2008


La magie de notre vie à la maison de Saint-Cloud se rompt comme le cordage qui suspend un autre héros, celui des films d’aventure, au dessus des rapides mortels : solide corde tressée de plusieurs brins, on les voit s’user dramatiquement les uns après les autres contre l’arête tranchante d’une pierre. Le héros atteindra-t-il l’autre versant du torrent avant que le dernier brin ne cède ?

La magie tenait à ce que nous nous faisions croire que cette époque durerait toujours. Mais les cinq ans de trêve que j’avais pu négocier touchent à leur terme : il faut quitter Saint-Cloud dans moins d’un an, et nous n’avons pas de perspective apaisante ; nous ne savons pas où aller. Toutes nos suggestions de projets sont rejetées avec mention : “budget insuffisant”.

Nous nous gavons de tout ce que l’instant présent apporte de volatil, nous sommes un clan de sorciers qui avons trouvé le secret pour retenir le temps. Nous sommes absorbés dans une sphère aux trajets simultanément multiples, et nous effectuons des performances parallèles sans nous quitter du regard.

Léo dessine et s’occupe de “l’espace musique”, c’est l’époque de Swell, Red hot Chili Pepper, Rage Against the Machine, Corrs, Moby, Alan Stivell, Metallica...

Emmanuel pousse le bout de bois et tourne la petite molette de sa radio, toujours avec un écouteur dans l’oreille et l’autre qu’il laisse traîner sur la table, pour moi, et je viens de temps en temps prendre la deuxième pastille pour savoir ce qui se dit entre gens cultivés, les gens qui parlent à la radio d’Art et de géopolitique.

 

 

 

 

Ce soir de mai 2001 Emmanuel ne reconnaît plus personne et arpente fiévreusement la chambre pour trouver le spot optimal de réception.

« Ils émettent... » murmure-t-il, " Ils émettent..." 

C’est le début de ma dégringolade. Je suis mal résignée à ces retrouvailles d’Emmanuel avec ses copains invisibles, ses complices de vie antérieure, ses compères de barricades.

Lorsque l’antenne avait été frappée d’interdiction les fidèles s’étaient massés sur la place Ferdinand Forest, au bout du pont de Grenelle, à l’ombre la maison de la Radio et de notre réplique parisienne de la Statue de la Liberté. Rebaptisé “Square de la Liberté”, ce haut lieu de protestation et de résistance avait été décoré aussi. Habillés et assis sur des chaises autour d’un immense cercueil dressé comme une table de banquet, des mannequins de vitrines représentant les censeurs assassins de la radio levaient leurs flûtes à champagne à la mort de la liberté d’expression. Un brasero, le jour, la nuit, la neige, le flux et reflux des fidèles, Nad qui s’était jetée dans la Seine pour créer un évènement médiatique, Didier de Plège, le Big Boss de Radio Ici et Maintenant, déterminé dans une grève de la faim jusqu’à l’évanouissement, et tous les orphelins de leur radio s’organisant pour perpétrer l’action en un mouvement de “grève tournante”.

Emmanuel fut un gréviste tournant loyal et résolu. Il allait au square sur son vélo, ne manquait pas un épisode, parlait aux gens...

Et moi ? Je me souviens d’avoir passé des nuits entière près du brasero, avec Richard, un vrai rebelle, un fou de Dieu. Il habitait sur le Square de la Liberté, à même la neige. Tout ce qu’il me demandait, c’était de lui rapporter des piles pour son transistor. A aucun moment je n’ai eu l’idée d’associer son bivouac insolite sur cette place enneigée avec la chaîne de résistance que les animateurs et les fidèles opposaient à la mesure d’interdiction qui avait frappé la radio. Je passais les nuits avec lui, à me chauffer au bon feu qu’il entretenait sans faiblesse, à l’écouter louer Jésus et tonitruer sur le mauvais fonctionnement du système social en France : « Un r.m.i. ? moi ? mais qu’ils aillent au diable avec leur r.m.i. ! Ils ne me tiendront pas aux couilles pour deux mille francs par mois ! »

Il allait chercher derrière le Franprix les invendus alimentaires dont la date de péremption était dépassée, et faisait cuire sous le lit de braises des pommes de terre germées et des poulets de récupération. 

 

 

 

 

 


 

1. ARAGON  le 07-07-2008 à 00:05:07  (arc-en-ciel radio)

IL N' Y-A PAS DE PRESENETATION. CE N' EST PAS GARVE.
QUAND MEME..

   They're gone
 
 
 
 
 

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