certificat de conformité obtenu le dimanche 06 juillet 2008


Des journées mortelles, interminables, se suivent et se ressemblent toutes, fades et moites.

Rien ne se passe, jamais.

 

 On guette le glas de dix-huit heures pour allumer la télé et regarder des images qui bougent : “Madame est servie”, une série télévisée qui met en scène une famille middle-class américaine, avec des faux rires en ponctuation des petits sketches.

 

 Après “Madame est servie”, c’est le black-out. Philippe se noie dans la désespérance. Il reprend l’avion pour Paris. Je reste sur ma plage de sable noir, au pied de la Montagne Pelée, et j’attends l’éruption du volcan qui soufflera ma vie et tous mes drames. Mes deux garçons sont malades de fièvre, sous antibiotiques depuis notre arrivée ici, et nous luttons, le jour, contre les moucherons porteurs du staphylocoque doré, contre les moustiques de nuit, contre l’hostilité des habitants du village aussi : ils ne nous aiment pas parce qu’on est blanc de peau. C’est comme ça, sans autre argument.

 

J’ai trouvé un ami, un rastaman qui lit sa bible en fumant de l’herbe, dans sa cabane de tôle ondulée posée sur la plage. Il fait l’amour comme un jeu joyeux, comme un jeune chien qui court après une balle. C’est ma récompense d’avoir humblement remis mon âme et le reste de ma vie entre les mains du Seigneur.

 Dans les bras de Bertrand je suis la femme la plus désirable du monde. Il caresse ma peau blanche avec émerveillement, comme s’il découvrait une perle fine dans un coquillage. Il passe ses longs doigts noirs et tranquilles dans mes cheveux comme s’il faisait ruisseler de l’or précieux. Nous parlons de son frère Jésus-Christ, de son Dieu si bon et tout-puissant (c’est le même que le mien), et nous parlons aussi de la pêche au requin.

 

J’aime le moment où le soleil disparaît : des lucioles phosphorescentes dansent dans les arbres. La nuit, allongée sur le sable fraîchi, face au ciel, je révise mes constellations...

Plus d’hiver, j’ai oublié que l’on pouvait avoir froid.

Bertrand a envie de mettre à l’essai toutes sortes de fantaisies sexuelles qu’il a vu performer sur les cassettes de films pornos qui circulent sans censure dans l’île, et je suis comblée des expériences que nous éprouvons ensemble.

Je pensais attendre paisiblement l’éruption de la Montagne Pelée dans la douceur de cette aventure, à l’ombre de mon amant sucré comme un mango, dont je portais maintenant un enfant.

 

Ma marraine Colette me demandait à Paris par courrier recommandé, alors j’ai pris l’avion avec mes deux fils et mon ventre de sept mois.

 

Andréane est née à Saint-Cloud. La fièvre tropicale qui avait épuisé les garçons cédait en quelques jours ; je pouvais reprendre une vie normale dans mon milieu d’origine, je pouvais reprendre du service dans cette autre usine à fabriquer des illusions : Paris, Ile de France. Le volcan n’avait pas voulu prendre ma vie. Je décidai de m’essayer à mon rôle de maman.

Trois enfants ! Trois chérubins du tonnerre de Zeus qui n’ont eu aucune difficulté à achever de me rendre folle. Dans ces conditions c’était un mari de trop, je demandai à mon pauvre Philippe de sortir de ma sphère, de partir de chez moi. 

 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 

Ajouter un commentaire

notes de bas de page
indications utiles
didascalies et phylactères
notes de la rédaction
Pseudo : Réserve ton pseudo ici
Email :
Site :
Commentaire :
 
 
 
Rappel article