certificat de conformité obtenu le samedi 12 juillet 2008

 

 ma cachette et la cachette de Manu

 

Depuis que je vis à Saint-Cloud j’ai toujours arrangé mon antre de telle sorte qu’aucun homme ne puisse avoir envie de s’y installer ; les lits sont étroits et posés en hauteur sur des mezzanines de bois.

C’est une bon agencement, qui laisse de la place pour danser et vivre dans les pièces.

Il faut simplement penser à ne pas se réveiller trop vite, sinon on se cogne la tête sur le plafond. Voilà.

 

Alors, nous allions faire l’amour chez Emmanuel, où nous pouvions occuper tout l’espace pour apprendre à nous connaître.

 

C’est malgré nous que nous sommes tombés amoureux. Mais ce n’est pas de ça que je veux parler.

 

Emmanuel vit comme un ours dans sa garçonnière près de la place d’Aligre.

J’aime cet appartement, minuscule comme une cachette. C’est la réplique presque parfaite de la chambre où Winston et Julia se retrouvaient dans le livre “1984” de Georges Orwell.

Tout ce que j’y ai vécu, c’est du piratage délicieux, c’est le pur bonheur genre “même pas en rêve” au nez et à la barbe de Big Brother, c’est “la Bohème” et “Paris au mois d’août” en un seul tableau. Et c’est Emmanuel.

Calme, patient, félin, contemplatif, un pousseur de bois, on dit aussi joueur d’échecs, un fou sur la colline, toujours l’air pris d’inspiration ou absorbé dans une réflexion complexe, il écoute aussi des musiques bizarres, synthétisées, techno, en sourdine, toujours en sourdine, parce que les murs sont en papier mâché et il est respectueux de la tranquillité de ses voisins.

En sourdine... cette radio libre et expérimentale “Ici et maintenant” parlait toute la nuit. Moi, je n’entends pas très bien... ; je m’endormais dans la chaleur de mon amoureux, toute fondue à son torse mince, toute béate de l’amour qu’il me donnait jusqu’à ce que je m’évanouisse d’épuisement. Lui continuait à fumer et à écouter les gens qui racontaient à l’antenne leurs naufrages et leurs exploits, leurs bâtons rompus.

Ou à écouter le conteur magicien, qui accroche le monde sur une queue de comète jusqu’au petit matin.

Je pense que c’est ainsi que j’ai contracté cette maladie, l’addiction à cette voix que j’entendais dans mon sommeil et qui me soufflait et guidait tous mes rêves.

Lorsque la radio a repris son antenne et que j’ai entendu à nouveau cette voix, un mécanisme subconscient m’a transporté dans les sphères enchantées où elle m’avait menée, quelques années plutôt, et j’ai présumé que j’étais assez habile pour narguer encore cet enculé de Big Brother

 

Je suppose que c’est ainsi que cette aventure est arrivée. JPB a divulgué quelques phrases de ma lettre d’adoration à sa prochaine heure d’antenne, en annonant tous les mots, parce que j’avais écrit dans une urgence extrême avec des larmes dans les yeux et les mains tremblantes, et le texte était difficilement déchiffrable.

 Je suppose que j’aurais du être vexée ou me sentir trahie, mais en réalité B a réussi un joli gag avec cette lettre : dans un premier temps il choisit des fractions de phrases pour faire style “fleur bleue” : « toi, toi, mon amour... toutes les passerelles... je n’y ai pas cru assez fort... »

et puis il parle d’autres choses avec ses invités, et juste avant le départ du prochain disque il déclare : “...oui, Lakma, en réponse à la lettre : pour la sodomie, c’est o.k.”.

Comprenne qui pourra : pour moi, quoiqu’il en soit, c’est du bon humour radiophonique. Et j’avais un sujet pour ma lettre de la semaine suivante...

 

20 décembre 2001 : stay basic

En lisant à l’antenne mon poème « y aura-t-il des frites à Noël » amputé de telle sorte qu’il ne voulait rien dire, comment tu m’as bien vautrée sur la place publique !

Encore un ou deux coups comme ça et tu vas jusqu’à l’os... mose ! (osmose).

Ainsi en as-tu décidé et c’est donc pour le mieux.

Gigantique d’humanité, mon frère ! Pur style pour aimer les autres ! Et tu fais jouir ton monde à distance, virtuellement donc. Pour un papy tu t’y es vite mis au virtuel.

C’est rarissime de douceur et de violence de se prosterner pour toi. Je suppose que c’est cette extase que ressentent les chrétiens en pratiquant l’Adoration (c’est un rite de l’Eglise, catholique ou protestante, je ne sais pas)

J’ai bien conscience que je m’éloigne du vrai sujet : Christ, le pardon et la charité, la chasteté (là j’ai tout faux, je me masturbe comme si je découvrais à peine cette activité).

Je ne ressens pas d’orgueil (péché mortel), je suis un être basiquement humble (notez l’anglais « meek, meekness » c’est joli ? Mot fréquemment employé dans les romans de Thomas Hardy, où l’héroïne figure souvent parmi un troupeau de moutons. Meek et meekness sont des mots qui suggèrent à mon imagination la douceur et la tendresse d’un museau d’agneau).

Je garderai toujours cette humilité de coeur, parce qu’elle est née comme ça et que en plus on lui a marché dessus (!)

L’autre vertu théologale est la pauvreté, ce qui n’a jamais été pour moi une question de choix.

 

Reste l’obéissance. Je t’obéirais avec ferveur et dévotion, or ce serait syndrome d’infantilisme. Je n’ai pas perdu la tête au point de te prendre pour le grand schtroumff. Tu n’es pas mon père par hasard ? Je le cherche partout.

Je voudrais continuer à t’adorer et à te désirer torride, et à me masturber dans la chaleur de ta présence virtuelle ou sur les ondes de ta voix. Mais un problème de déontologie commence à faire des ombres chinoises sur mon horizon enchanté : tu vas finir par me prendre pour une allumeuse ;  alors que la vie de ma mère je voulais simplement jeter un coup d’oeil sur la carte. Faire un tour de La Chenille, quoi... Avoir au moins le statut de “stagiaire”, parce qu’après ça moi j’ai Amérique et j’ai comme l’impression que ça va pas être du gâteau.

 

Donc, tu n’hésites pas à me donner des indices par tout moyen à ta convenance (radio, etcaetera). Grand-merci, Schtroumpf Chevaleresque. Je suis vernie d’être tombée sur toi. Christ m’a encore évité un drame comack, my cosmic mac.

Depuis que tu me coaches j’ai appris à sortir ma tête de mes épaules et à présenter mon visage à l’air même l’hiver.

Je te jure que je voudrais me barrer d’ici avant que je me la pète « t’as vu moi aussi j’existe ». J’assurerai pas, no way, pas moyen.

 

Depuis sept mois que la radio a repris de la croisière tu dois crouler sous le poids d’une avalanche de textes que t’envoient rue Violet tes écrivassières et écrivassiers préférés. Tu devrais prendre un stylo rouge et faire le type qui corrige des copies !

Pour amuser les enfants ! Claro !, toi tu es trop grand pour faire le guignol tout seul.

 

B, je suis bien ferrée, maintenant. Je ne m’en relèverai pas de toi. Je vous laisse un peu de temps pour méditer ça, comme dit Gustave Parking : je ne m’en relèverai pas. Je suis laurence, catherine, martine F. et cette indication devrait éclairer bien des détours obscurs de ta réflexion (à ce sujet).

A moins qu’elle ne cherche à gagner du temps ? Mais du temps, pour quoi faire ?

Merde de putain de chiotte quelle chiennerie ! Voilà j’en ai terminé pour cette semaine et je te demande de ce que par le fait que je te sollicite dans ta haute bienveillance alors c’est pour le coup que je suis un pauv’ mec sauf que j’suis une fille, alors t’a qu’à voirre.

 

J’ajoutai, sur un petit carton de bristol, des mots au stylo plume : “je te fais plein de bisoux sur le bout de tes doigts” ; “aujourd’hui c’est le jour de l’hiver” ; et “it’s only rock and roll, make it swing”...

Depuis, plus de nouvelles. Enfin, des bribes, pas grand' chose... C’est qu’il y a cette autre fille, Ségolène, qui l’intéresse et qui intervient souvent à l’antenne. C’est une jeune infirmière diplômée d’état, mais on dit infirmière D.E. tout court. Anciennement anorexique.

Il lui passe cette scie de Reggiani : « ...j’entends d’ici les commentaires / comment peut-il encore lui plaire / elle au printemps lui en hiver... » C’est une chanson où un vieux machin dit à une petite qui est tombée amoureuse de lui que, ouais, bon, c’est sûr qu’il aurait bien tenté le coup mais il est devenu un écrouleman et il va finir comme ça son bobino.

Des wagons de mélasse, mon vieux, sur Magic city.

Je rejoins illico une troupe de joyeux drilles qui zouke la biguine sur R.F.I. et je commence comme ça, ici et maintenant, ma cure de désintoxication.


http://www.le-train-bleu.com/

 

 

 


 
 
 
 

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