Retour aux Balades.
Jacques travaille au ministère de la culture, section monuments historiques. C’est un passionné. Maintenant imagine trois pelés et deux tondus sur le quai d’une gare, avec des sacs à dos contenant le pique-nique fraternel.
C’est nous. C’est la balade de Jacques. Le jour ne se lève pas, de lourds nuages noirs menacent, sûr que c’est aujourd’hui que le ciel va nous tomber sur la tête.
On y va quand même. On arrive in extremis dans un bled en plein moyen-âge avec une fontaine à pompe sur la place, Jacques repère un troquet où quatre poivrots tapent le carton en buvant du vin blanc, la bouteille avec les six étoiles en relief à la base du goulot, tu sais celles qui sont consignées, est posée sur la table, signe de leur détermination de continuer la partie quoiqu’il arrive.
Jacques nous fait visiter le village, on trouve l’église, on va faire des prières, Jacques va réveiller le bedeau qui s’était endormi sur une revue porno, il se fait donner les clefs de telle aile interdite au public, on chante des hymnes à la Vierge : “Plus vénérable que les Chérubins, et infiniment plus glorieuse que les Séraphins, tu enfantas Dieu le Verbe sans perdre ton intégrité, tu es vraiment Mère de Dieu, nous te magnifions”. “Salve, Regina” (Reine, sauve nous) et notre piteux cortège s’ébranle parmi les champs de betteraves piqués de loin en loin de pylônes, les câbles haute tension vibrent au-dessus de nos têtes, harpes célestes de notre moderne civilisation. On a toutes les cartes d’état-major et les guides michelins pour suivre un sentier de grande randonnée (GR) mais personne ne sait lire les cartes. Quand on est bien perdu, des tonnes de terre grasse collées aux semelles, on se traîne jusqu’à une clairière et Jacques étend un grand drap blanc sur le sol.
Debouts et recueillis, on chante la gloire de Dieu pour la nourriture qu’Il nous accorde et pour le soin qu’Il a pris de nous depuis notre naissance jusqu’à ce jour.
On mange des olives et des brouets de céréales en écoutant Jacques nous raconter la vie de Saints que tu savais même pas que ça existait des noms pareils. Enfin voilà, la drogue c’est mal, les balades de Jacques c’est surréaliste. On a tous vieillis, et il y en a plein qui sont morts, mais on arrive à faire nombre avec les Roumains et les éclopés. Tu as fait la Serbie et la Croatie ? Tu peux faire une balade de Jacques. C’est pas de la balade de pédé. Viens avec des amis !
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