C’était noté dans mon agenda depuis fort longtemps : le 27 février 2003 je saute les plombs.
Le jour venu, je n’allais pas me défiler.
Voici un petit florilège.{ ... }
Je prenais du vin pour simuler la gaieté et la joie de vivre que je n’éprouvais pas, et des cachets pour neutraliser tout ce qui dans mes gestes n’était pas strictement mécanique, et dans mon schéma de penser tout ce qui pouvait induire un rêve de bonheur, un chemin individuel. En un mot, pour m’uniformiser, me conchloroformiser.{ ... }
Cet amant habituel qui m’avait forcé à me détourner de ma source d’inspiration, (et cette phrase semble appeler une introspective affective......
me force à me borner à un voyage uni-pluridimentionnel, car il était possible aussi d’envisager un voyage pluri-unidimentionnel{ ... }
on restera fauché,on restera misère
on aura juste aperçu à quoi ressemble l’amour.
heureusement que j’ai eu l’idée d’écrire ce petit témoignage en forme d’arc en ciel ....{ ... }
J’ai vu un pauvre rocker même pas américain devenir le pape d’une foule de personnes, de toutes générations, tant pour l’âge que pour la façon d’aborder leur existence, la protéger, l’embellir, la défendre contre celle des autres... Tu étais le pivot de mon existence, ma vie et mon être entier s’étaient emplis de toi, et je suis comme un grenier vidé où l’on voit par les marques sombres sur le plancher l’endroit où les malles disparues avaient jadis leur place.
Parfois je n’avais pour toi que du mépris. C’est que j’ai sondé ta résistance et j’en ai surpris le degré d’épuisement. J’ai compris que le seul souvenir de toi n’assurait plus ma défense dans ce monde, parmi les Camarades Cannibales.
J’ai eu peur, peur à m’enfuir, loin du cloaque en dur, sombre sous ses lumières, opaque dans son brouillard de ville, somptueux de crasse séculaire, englué dans ses passions routinières, frissonnant sous sa chape de grisaille émaillée des taches d’un soleil si pâle qu’il semble tourner dans des cieux impossibles.
Prestigieux bas-fonds où je ne me résigne pas à accepter la médiocrité de mon sort.
J’ai juste ouvert la cage aux oiseaux noirs qui me rongeoient le coeur en écrivant ce petit mémoire.
Si près du soleil, j’ai subi l’incision de ce glaive empoisonné, scindant mon coeur en deux moitiés. Premier rite du sevrage de toi.{ ... } interminables mercredis s’étirant débordant tard dans la nuit
jeudi déjà, à l’ interminable traîne
des sept jours d’une semaine ...tandis qu’un champ de glace se déroule dans la boîte de verre. J’imagine les formes et les couleurs, sur le reflet de la vitre. une femme parle et rit, une feuille d’or accrochée à l’oreille...
C’est curieux de voir cette femme, seule au milieu de plusieurs hectares de banquise, qui a eu le sens du détail au point de ne pas oublier de porter des boucles d’oreilles en forme de feuilles d’or.
Les femmes partout sèment des indices de fertilité..
C’est une perverse habitude que j’ai de penser à toi.
J’ai besoin de continuer à me faire croire, à rêver sur la cérémonie de désinnocentement.
J’ai cru que c’était à mon tour encore une fois. Parfois je perdais mémoire et équilibre, ne me souvenais plus pourquoi j’avais souffert avec tant de bonheur.
C’était toi que je cherchais à frôler sur le chemin où la chair inquiète interroge la douleur et le plaisir dans sa double quête de désintégration et de réunissement ... je t’imagine bien nous décocher ce genre de phrase dans un élan de lyrisme radiophonique... Désolée d’être un clown.
Parfois donc je ne me souvenais plus au nom de qui il me fallait accepter cette souffrance, ce déchirement magnifique que tu m’offrais comme un viatique
d’émotions, pour peupler le vide qui m’attend. Dernier caravasérail avant le Désert de la Mort ... Mille et unième et dernière Nuit dans la Tente du Prince avant décapitation.
Souvent je te méprisais aussi profond que me le permettait mon ventre indiscipliné, je croyais avoir sondé ta résistance et assisté à ta noyade. Je croyais voir un gros poisson aux yeux morts se débattre dans une caisse emplie de glace pilée.
J’oubliais qui tu étais. Matrice ? Patrice ? Patoche, Patrocle, et les guerriers casqués de cuivre avec des plumets rouges coulent le long des jambes du cheval de bois comme des ruisseaux de sang, comme les petits frères de Gavroche le long de la patte de son éléphant. Je confondais tout. Ce n’était que toi, que je voyais surgir le long de mes cuisses, j’avais expulsé l’ennemi hors de l’enceinte, et ses cris perçants jaillissaient en chants de victoire, notre victoire commune d’être libérés l’un de l’autre.
Je n’ai pu garder pour moi seule cette douleur qui ressemblait tant à l’amour pur et parfait et plus que parfait parce que perfectible encore jusque dans les immondes replis de la pudeur et du mensonge, car c’est ainsi que commencent les vraies aventures.
J’ai écrit ton nom sur tous les bureaux des ronds de cuir dans leurs ronds de fumée.
J’étais fière d’être le morceau de toi que j’avais engendré. Je continuais à te parler, tu n’étais jamais là. Je me cherche vite une excuse, mais c’est pourtant vrai qu’elle faisait pitié à se masturber sagement et tellement superficiellement dans le noir, quand j’aurais dû logiquement être fouillée et refouillée par ta chair, et sentir ma peau se greffer à la tienne. C’était un rêve d’enfant. Voir le ciel noir chauffé à blanc.
Et c’est à quel moment que je t’enfonce mes pouces dans les yeux ? Et un coup de surin dans le ventre pour le monsieur avec les moustaches. Dans les rêves on peut tuer et mourir en même temps. Se faire tringler rue du Commerce sur le capot de sa limousine en démantelant de l’autre main le mur de Berlin. Garder les yeux fermés et déchiffrer pourtant les signaux en morse que Manu n’avait pas cessé de m’envoyer avec sa lampe torche par le soupirail, entre les barreaux. Les rêves : même s’ils nous mettent en prison ils ne peuvent pas nous les ôter.