certificat de conformité obtenu le dimanche 13 juillet 2008

cash 05 Lâcher de manuscrits

6 Au Salon du Livre, retour à la Tour de Nesle, où Jean Markale étrangle pour la millième fois la petite Marguerite de Bourgogne, la pauvre Reine de France adultère, car elle ne veut pas d’un Hutin pour époux. Je donne à Jean M. un exemplaire, avec pour dédicace : “A vous, Roi, mort de n’avoir pas pu me rencontrer”. Il ne m’a pas même gratifié d’un mot de sympathie en retour. Merde quoi ! 6 Au théâtre Jean Vilar à Suresnes, Madame Marie-Christine Barreau joue “L’Homme rêvé”, seule sur scène, accompagné de Jean-Marie Sénia derrière un Steiway & Sons.Andréane me demande depuis longtemps de lui faire rencontrer cette actrice, qui l’avait tenu dans ses bras lorsqu’elle était un bébé de quelques mois : Marie-Christine et Roger Vadim étaient venus acheter la ferme de Tante Paule, à Plan Ferraz, et Andréane était là, au soleil, dans son couffin. Marie-Christine aime les enfants. Elle avait pris le bébé dans ses bras pour la câliner et la promener sur quelques pas.Andréane a aimé le spectacle, même si elle s’endormait un peu vers la fin ... Elle n’était venue que pour que Marie-Christine la serre à nouveau dans ses bras. Elle a eu le “hug” tant espéré depuis si longtemps. L’histoire d’amour de Marie-Christine ressemble à la mienne, sauf que la sienne c’était pour de vrai. Je lui ai donné un exemplaire de “arc-en-ciel radio”. Toutes les histoires d’amour sont un peu décalquées, seuls les prénoms changent. 6 Le prochain exemplaire fut remis par moi-même à Daniel Habrekorn, que j’ai rencontré le même jour que toi chez Charles et Emmanuel Duits, et que j’ai revu rue de Montreuil lors de la séance de dédicace qu’il donnait pour son livre “Les Splendeurs du Progrès”. Pour lui j’ai écrit : “Je suis désolée de vous infliger ça, c’est tout ce que j’avais sous la main”. J’ai ajouté en majuscules “you don’t have to”. Il y avait Tina Aumont, qui a tourné avec Fellini. Elle est toute adorable, prenez en soin.Il y a eu un exemplaire pour toi, René Strubel. Je voulais que tu m’ôtes la bague en or que j’ai sur la grande lèvre, à l’entrée du vagin. Je voulais faire l’amour avec toi, comme décrit précédemment. Il y avait vraiment trop de monde, et je voulais voir Roger avant de partir aux Antilles. Billets pris pour le 29 avril.. Et le surlendemain je reçois une convocation à me présenter le 15 mai au Tribunal de Nanterre pour rencontrer le Juge à l’application des peines, car, pour mémoire, j’avais été condamnée à trois mois de prison avec sursis assortis d’une mesure de surveillance de deux ans. Or les billets que j’avais acheté en promo n’étaient ni échangeables ni remboursables. Madame le juge était partie en vacances avec ses enfants. Je me suis rendue à Nanterre dès la réception de la convocation, j’ai été reçue par un autre Juge qui a écouté mes raisons et a signé l’autorisation de me rendre en Département Outre-mer avec ma fille.René, aux Antilles j’apprendrai à connaître les plantes mortelles. Je ne les utiliserai pas avant l’été 2006. Je veux que mes trois enfants soient devenus légalement majeurs avant de me disparaître. Et là, je me siffle une ciguë léthale, comme font les philosophes victimes de loyauté à leurs principes.Une fois que je n’ai plus ma carcasse à trimballer on loue une camionnette sur l’East Coast et on fait le parcours rituel, Virginia, Georgia, Tennessee, la 66 jusqu’où elle se termine, Rainbow Bridge, Arizona, et une fois en Californie, soit on attend le prochain séisme, soit on attend que tu nous rejoignes. On fait comme asse ? Dis-moi d’autres idées si tu en as.Je t’embrasse. Je voudrais croiser tes yeux tranquilles au moins une fois toutes les quatorze secondes, avec la même régularité que le faisceau lumineux en haut de la Tour Eiffel, qui balaye mon bled, Saint Cloud, qui est sur une colline et d’où l’on voit bien Paris, que j’aime aussi.P.S. Le coup de la ciguë ce n’est pas un morbide chantage, c’est un projet fou. Qui n’a pas son projet fou ? (et vous, René, à qui parlez-vous du vôtre ?...) 6 Saint Cloud 14 avril 2002“The Hollow”, traduit “Le Vallon”, un roman policier d’Agatha Christie. J’ai lu çà quand j’avais quatorze-quinze ans, entre deux versions latines... et je me souviens de Henriette, qui est une sculpteur allumée et fébrile. Elle veut créer un buste de Nausicaa aux Bras Blancs, “dont l’air et la beauté semble d’une Immortelle”, fille des souverains de Phaécie, qui va trouver Ulysse évanoui d’épuisement sur le bord de la rivière où elle a voulu, ce matin-là, inspirée par la déesse Athéna aux yeux pers, aller laver ses vêtements de noces. Elle le mènera chez son père, le roi Alcinoüs, convaincra ce dernier de faire affréter un navire pour qu’Ulysse puisse rentrer chez lui à Ithaque. Dans l’autobus, Henriette se trouve assise face à une jeune fille au visage d’une beauté parfaite, et dont les grands yeux bleus de myope imitent un regard d’aveugle, comme dilaté sur la beauté et l’horreur du monde. Henriette lui donne ses coordonnées (nom, qualité, adresse et n° de téléphone sur une carte de visite...), car c’est cette jeune fille, absolument, qu’il lui faut pour modèle de sa Nausicaa... La fille, dactylo dans une boîte d’import-export, mentalité étriquée et futile, saoûle l’artiste de propos ineptes et de commérages de jeune mégère tout au long des séances de pose. Elle a une voix pointue, un accent désagréable, un vocabulaire grossier. Henriette travaille de tout son coeur, les lèvres closes, les oreilles fermées. Dès que la forme basique de son ouvrage est en place, elle n’a plus besoin de la jeune fille, qu’elle paie et remercie de lui avoir prêté concours. Pour le vrai travail de création la sculptrice n’a plus besoin que de recueillement et de forces d’inspiration.Henriette, qui dispose d’une authentique chambre, car les héros et héroïnes des livres d’Agatha Christie vivent toujours dans de vastes manoirs où l’espace ne manque ni dans la demeure elle-même (indoors) ni dans le parc tout autour (outdoors), va cependant installer dans son atelier une couchette où elle peut se laisser épisodiquement terrasser par le sommeil sans s’éloigner de ses oeuvres en gestation. Une nuit, une oppression cauchemardesque la contraint physiquement à rejeter sa couverture, à se lever, à traverser son atelier, à ôter les linges mouillés qui enveloppent le buste de glaise de Nausicaa ;  de ses mains robustes elle fait éclater la tête, elle enfonce ses mains dans la terre, elle presse, malaxe, furieuse, haineuse, désespérée, jusqu’à ce que ce morceau d’argile soit redevenu argile, et non plus rien qui puisse évoquer une ébauche d’un espoir ou d’un projet.La vulgarité du modèle a imprégné la matière, détruisant toute possibilité de réalisation, avortant toute tentative ultérieure. Longtemps Henriette portera dans ses bras la princesse vierge de Phaécie, comme un cadavre, comme un enfant mort-né.L’épisode que j’ai décrit dans le petit livre que je t’ai donné à lire, me laisse dans un état similaire de désolation et de ruine, et je me suis imprégnée de la perversité et de la cruauté dont les hommes se rendent glorieux. Je n’ai peut être fait qu’accepter et révéler un processus aussi inéluctable que la vie elle-même : un foetus fait son sang sur le sang de la mère qui le porte, et la mère souffre et vomit. L’enfant qu’elle met au monde n’est pas conforme à celui qu’elle pensait pouvoir aimer. Elle passe sa vie à l’aimer tout de même, à tâcher de son mieux d’écarter les difficultés, et lui il la méprise parce qu’elle est vieille et résignée. En procédant à un dispatching effréné de cet ouvrage, j’ai moi-même divulgué à quel point j’étais faible, sans étoffe, sans discernement, aveugle comme un petit mammifère qui vient de naître et qui prend la première odeur qu’il détecte pour celle de sa mère.Voilà pourquoi je te demande de me consacrer encore quelques instants, et de prendre connaissance du destin de quelques autres exemplaires de “l’arc-en-ciel radio”. + Un pour Philippe Pissier, que je lui avais fait parvenir par la poste en son antre de Castelnau, sans autre dédicace que « A Philippe, L. »,  mais j’avais joint une lettre. Avec toi, il est le seul qui m’ait fait un courrier en retour. J’avais rencontré Philippe le jour où Audrey Isbled, la sorcière de l’Odésie, décrochait ses tableaux de la petite pièce rue de la Villette, convertie en galerie d’exposition pour la circonstance. Voici la lettre.Pour Philippe. 21 mars 2002je suis une fille. nous nous sommes rencontrés à Paris rue de la Villette le jour où Audrey Isbled décrochait ses sorcières. j’avais un chien boxer et un béret basque. je ne savais pas quoi dire.Gourde confirmée à temps plein, la sincérité est ma meilleure façon de marcher. Si je m’essaie à un autre mode de fonctionnement, je sais que je vais me prendre du mal en pleine figure ; je ne suis pas assez finaude pour calculer ou entreprendre ou simplement m’amuser avec les autres.je n’éprouve aucune fierté à être une gourde, je n’en ai pas complexe non plus. Je suis une gourde, voilà tout, comme d’autres sont bilingues, ou pluripares (et moi aussi je suis pluripare), ou fille d’ambassadeur, ou putain jusque dans l’âme, et il y a même des gens qui sont oenologues. Tout bien considéré, c’est presque une chance d’être affligé de soi-même, si l’on prend le temps de découvrir de quoi l’autre est chargé...je voudrais que tu lises ce petit livre intitulé “arc-en-ciel radio”, que j’ai écrit il y a peu de temps, et la suite de cet essai, la voilà :Marc-Louis m’a demandé de l’accompagner à une soirée parisienne, chez Joëlle, et Jean-Paul Bourre en était la Grande Vedette, attendu qu’il venait de sortir son nouveau livre “Tarzan et moi” et que le thème de cette réunion d’artistes était sa séance de dédicaces privées. Ou séance privée de dédicace, mais il n’entend pas s’en priver, donc tu choisis ta couleur et tu fais le point. Moi, je me suis contentée d’approcher le pote Bourre, tout en distribuant, histoire de pas trop faire éléphant dans la cristallerie, quelques exemplaires de mon arc-en-ciel radio. J’ai dansé aussi. Dès que tu me mets un peu de musique, je me mets à danser. Je le fais même sur Mylène Farmer, c’est te dire si j’aime danser. On ne devrait pas se déplacer autrement qu’en dansant. Les boîteux n’ont pas d’excuse. Boîter, c’est danser à chaque pas, pur, instinctif, obligatoire, c’est danser magistral.Ah oui la suite de la soirée parisienne. Sophie, la femme de Jean-Paul Bourre, flippait sa race en se demandant si finalement elle avait bien fait de tèj (jeter en verlant) son bande-mou de mari quelques mois auparavant, vu qu’il était en train de reprendre du poil et de se faire une notoriété chez les inébranlables. Attention, on le voit même sur internet, ça c’est pour marquer le coup que sa radio c’est pas de la radio de pédé. Alors, je lui disais : “regardes cette femme, Marie-Christine Barreau (Sophie ressemble un peu à Marie-Christine Barreau, donc je n’ai le mérite qu’à moitié) regardes comme elle a plein d’enfants, les siens, ceux des autres... c’est ça l’important : c’est d’avoir tous les enfants autour de toi”. Bon, et la fêlure en étoile dans le miroir (genre : tu sais que les malfaiteurs ont fait un casse grâce aux cicatrices arachnoïdes dans les vitrines blindées), c’était que Jean-Paul Bourre était avec sa petite amie, une très ravissante Marianne, Manon, je sais plus son prénom, une fille qui lui a téléphoné du temps de la radio libre “ici et maintenant” lorsqu’elle avait quatorze ans, et qui maintenant a dix ans de plus, et donc elle a envie de baiser avec les caïds. Tu veux que je mette un c majuscule à caïd, qu’à cela ne tienne, Caïd, c’est fait. Dans le petit matin lumineux et dans l’espace exceptionnellement tendre et cosy où Joëlle reçoit ses amis les Amoureux d’Art, une fois par mois, c’est nitro, ni trop peu, j’embrassais les pieds de JPB tandis que, lui, caressait les fesses fermes de sa jeune gonzesse sexuelle, tu vois le tableau. Je n’ai pas de goût, et je n’ai pas d’odorat, alors je ne peux même pas te dévoiler s’il “pue des pieds”, comme on disait à la colo. J’aimais la forme de ses pieds, de ses ongles non taillés, anarchiques, émouvants. C’est pour te dire que j’aime encore être amoureuse, mais bon, j’ai quarante-huit ans et tous les bande-mous n’aiment que les filles très jeunes, donc je voudrais embrayer sur autre chose et c’est là que je te demande de me laisser passer quelques jours avec toi dans le Lot, donnes-moi une chance de continuer à vivre comme si rien ne s’était passé, et d’ailleurs et d’autant plus qu’il ne s’est rien passé, c’est dans la tête tout ça, et ma tête est malade : parles à mon cul, le dernier ventre affamé où l’on cause, mais il n’a pas d’oreilles.Malheur à moi si je te choque, car ce n’est pas le but de ma manoeuvre. Je ne suis pas une mauvaise personne, je n’ai pas de vanité. Je regarde pousser mes enfants avec tout l’amour et la reconnaissance d’une femme qui n’a qu’eux pour modèles. Mes enfants sont ma seule motivation. Je suis pourtant impatiente du moment où ils me laisseront seule, parce que j’ai besoin de solitude.Et soudain, par l’enchaînement des incidences que j’ai tâché de rapporter dans mon petit livre, je n’ai plus rien en tête que d’approcher cet homme et de me livrer à lui. Jean-Paul Bourre : finalement, pas de quoi écrire à ses parents. Peut-être juste un type qui a les couilles de carburer au Prozac double ration, quand nous même, pauvres poules calamiteuses, docilement shootées au seul chant des oiseaux, on n’a même plus envie d’être le maître du monde. Alors le Tambour de Ville dit : “qu’on se le dise !” et le choeur des gamins de clamer : “c’était quoi déjà, qu’y fallait dire ?” C’était des gamins qu’ont des trous d’air dans la tête. Moi, je compte plus sur eux niveau organisation.Au nom de quelle invraisemblance pourrais-je reprocher à un homme de cinquante-cinq ans, se voyant offrir par Karma and Co l’aubaine de promener dans le monde une fille ravissante, à-peine-vingt-quatre-ans-sait-déjà-se-maquiller, de renoncer à cet avantage flatteur, et de choisir en lieu et place (bingo) de s’engluer la vie en s’attachant une femme proche de sa date limite de péremption, fauchée comme un passe-lacet et bardée d’enfants en pleine crise d’adolescence ?Grâce à Dieu et à ma légendaire détermination de caractère, car ça prend horriblement de temps avant de devenir vieux et c’est souvent que je trouve que ça fait longuet avant le coup de gong, je suis déjà vieille et je peux gérer l’épisode avec plus de détachement qu’à l’accoutumée, d’autant plus que je suis un peu schizo et donc ce qui m’arrive ne m’arrive pas vraiment à moi. Ouf de chez Ouf.Mais j’ai marché pendant neuf mois, et je serais tombée malade si je n’avais pas pu en parler avec Léo, (mon fils de seize ans) et/ou avec Emmanuel, mon amoureux que ça fait dix ans qu’on se pochetronne ensemble, et qui a assez de respect pour continuer à vivre chez lui à Paname et me laisser mon intimité à Saint-Cloud, c’est là que j’ai ma tanière.Comme il est question d’intimité, essentiellement, je ne veux pas déranger ce que tu préserves d’intime et c’est pourquoi je te fais une lettre pour te demander si je peux passer te voir entre le seize et le vingt-quatre avril. Amitiés et toute cette tendresse que j’ai en trop pour les lascars de votre acabit. Quoique le dico préconise “acabit” avec un t final. Je ne voulais pas me risquer à ce genre de chute : acabit, nom masculin, péjoratif. Locution : de cet acabit, de même acabit : de ce genre, du même genre ; exemple donné par le dictionnaire = Faussaires, escrocs, maîtres chanteurs et autres malfaiteurs du même acabit. Décidément acabit ça fait pro. Du provençal acabir : “obtenir”.T’as vu un peu le bol qu’on a de savoir lire. Réponds moi

 

Lakma

 

 
 


 
 
 
 

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